Ostéopathe pour chiens, chats, chèvres, vaches et chevaux, Cindy Mollard raconte son quotidien à traquer avec délicatesse des douleurs forcément muettes.
On n’est pas là pour bidouiller notre petit truc dans un coin.» Le petit truc, c’est la profession d’ostéopathe pour animaux qu’exerce Cindy Mollard. Cette Fribourgeoise installée dans la Broye explique que si «le métier est bien beau», lorsqu’il s’agit par exemple de traiter des chevaux, «rien ne se fera sans le maréchal, sans le vétérinaire, le sellier. C’est un tout.» Elle a d’ailleurs également suivi des stages en sellerie, pour pouvoir conseiller «des selles adaptées non seulement au cavalier mais surtout à sa monture». Ainsi qu’en maréchalerie:
“Sans un bon maréchal, on peut faire ce qu’on veut en ostéopathie, on n’aura pas de résultat. Imaginez que vous marchiez tout le temps dans de mauvaises chaussures, je pourrais travailler tant et plus sur vos articulations, ça ne servirait à rien.”
Le cheval, on le comprend vite, c’est bien l’animal par lequel Cindy Mollard est arrivée à l’ostéopathie. Petite, avec ses parents, elle se promenait en forêt et passait chaque fois devant une écurie, et très vite elle demande à monter. «Le week-end je ne sortais pas, je faisais les concours.» Puis elle cherche un métier qui lui offrirait la possibilité de travailler avec des animaux. La première fois qu’elle entend parler d’ostéopathie, «ça a été une révélation».
Vétérinaire, oui elle en a rêvé, «comme beaucoup de petites filles». Elle travaillera même une année dans un cabinet vétérinaire, ce qui la confortera encore dans son choix de l’ostéopathie.
“L’ostéopathe cherchera plutôt la base du problème, à soulager en trouvant la raison du mal.”
C’est pour cela que Cindy aime bien se rendre à domicile: pour débusquer une cause souvent extérieure au problème. «Un chien qui est obligé de monter cinq étages par jour depuis qu’il est chiot aura un terrain propice pour développer une dysplasie.» Et puis dans un cabinet, l’animal sera stressé, «surtout s’il s’agit d’un chat». Pour les chevaux, elle commence par une approche dans le box, où ils se sentent «chez eux, donc plus à l’aise».
A l’écoute des propriétaires
Les chevaux sont d’ailleurs ses principaux «patients» – vingt-cinq ans d’équitation expliquant cela – suivis par les chiens, et une petite proportion de chats, de vaches et de chèvres. Il faut de toute façon s’adapter à la demande des propriétaires, «dont certains nous demandent par exemple de ne pas faire de «cracking» – le fait de faire craquer les articulations. Si l’ostéopathie animale n’est pas encore vraiment entrée dans les mœurs de la paysannerie – «cela vient gentiment, même s’ils ont encore tendance à appeler d’abord plutôt le rebouteux» – certains commencent à trouver le travail de Cindy «plus complet». «Si une vache boite de l’antérieur gauche, l’ostéopathe l’examine en entier, au niveau structurel aussi bien que viscéral ou crânien.»
Les animaux petits et gros se laissent en général facilement manipuler. Il y a bien sûr parfois des récalcitrants. Cindy se souvient de chevaux souffrant de maux de tête et qui ne se laissaient pas vraiment faire. «Comme nous avec une vraie migraine, on n’a pas forcément envie que quelqu’un nous pose les mains sur la tête.»
Les maîtres mots, évidemment, sont «douceur et patience». Les animaux les plus difficiles à traiter, reconnaît-elle, ce sont les chats. Avec ces patients-là, il faut savoir faire preuve de souplesse.
“Davantage qu’avec un humain à qui on peut toujours suggérer de serrer les dents deux minutes. L’animal si on lui fait mal, il va nous dire: adieu!”
Si le cheval reste son animal de prédilection, Cindy a eu récemment «beaucoup de feeling» avec des …chèvres. «Elles sont très calmes, réceptives, on voit plus vite que chez d’autres animaux le résultat du travail accompli.» Avec au niveau du toucher un peu la même «densité de tissus que chez le chat», des organes qu’on «sent bien» et en même temps une «rigidité» qu’on retrouve par exemple chez le cheval.
Nulle place pour l’improvisation. Il existe en ostéopathie des principes à respecter. «Que le corps par exemple est une unité, le rôle suprême de l’artère, la prépondérance du système musculo-squelettique, etc. Et des manipulations strictement répertoriées. Cindy a suivi ainsi en Angleterre une formation de cinq ans, à Brighton. Elle dispose enfin à domicile de toute une population de chevaux, de chiens et de chats. «J’ai la chance de pouvoir pratiquer sur mes animaux, et je ne me gêne pas.»
En fait-on trop pour les animaux?
Médecines douces et variées, ostéopathie, psychanalyse même: n’en ferait-on pas désormais un peu trop pour nos frères supposés inférieurs? «Tout cela, répond Cindy Mollard, correspond à la manière dont on considère aujourd’hui l’animal, qui n’est plus un objet, mais une personne. Il me paraît donc logique de lui proposer des soins adéquats.»
L’ostéopathe se réjouit de ce que les propriétaires n’hésitent plus à se lancer et à investir dans moult démarches, médecines et traitements. «Les mœurs changent et les gens se tournent plus volontiers vers les médecines parallèles, douces et tout autant efficaces. En l’occurrence l’ostéopathie peut aussi servir de physiothérapie après une opération tout comme l’hydrothérapie (qui permettra à l’animal de se muscler sans douleur) dans laquelle j’espère pouvoir me lancer dans le courant de l’année.»
Ostéopathie – L’exemple du cheval
Devant un cheval, l’ostéopathe commence par regarder «tout ce qui est muqueuses» et qui peut renseigner énormément sur l’état de l’animal. «J’aime bien aussi jeter un coup d’œil aux dents. Les problèmes dentaires peuvent engendrer des problèmes au niveau de la première cervicale.»
Ensuite commence le «palpatoire», une écoute des tissus pour identifier «des zones chaudes, des zones dures, des zones molles, ce qui donne déjà passablement d’informations sur ce qu’il faut rechercher, sur les zones éventuellement atteintes.»
Puis vient la «dynamique», l’examen de la mobilité du cheval, de sa démarche. «On cherche toujours la symétrie entre les deux côtés.» Les épaules, les phalanges ainsi que les tendons –«pour voir s’il n’y a pas un souci de tendinite» – la colonne, «pour détecter une dysfonction», sont soigneusement testés. Après, on «manipule», en fonction «du cheval, de l’âge et des soucis qu’il a». Il faut savoir aussi pratiquer «l’écoute viscérale», «on pose nos mains, on écoute les tissus qui vont nous amener là où il y a une zone de tension produite par une douleur.»
Et pour cela, il faut bien connaître l’anatomie, «en ayant des repères, en sachant que l’estomac est sous les thoraciques 11-15 à gauche, les reins sous les côtes 17-18 et la 1re lombaire pour le droit et le gauche de la 18e côte à la 3e lombaire, le foie à droite du cheval et longeant le diaphragme.»
Connaître aussi «l’anatomie du crâne» pour savoir dans quelle zone «on veut avoir une action».
Pour le chien et le chat, l’approche se fait avec plus de délicatesse. «Il faut qu’ils comprennent que ce n’est pas une corvée. S’ils fuient, il faut les laisser partir. Les petits animaux n’aiment pas être contenus, maintenus. Si on leur permet de partir et de revenir, ça se passe mieux.»
Source : Migros Magazine
© Migros Magazine – Laurent Nicolet
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