La décision du Parlement de mettre fin à cette obligation crée l’émoi. Les éducateurs grognent, y voyant la fin aberrante d’un moyen efficace de prévention et les pragmatiques, eux, rappellent qu’aucun chiffre ne vient appuyer leur opinion.
A s’arracher les poils. Il y a quinze jours, le Conseil national a confirmé la volonté de la Chambre haute de supprimer les cours obligatoires pour les propriétaires de chiens.Immédiatement, l’ensemble des défenseurs des toutous a semblé montrer les dents. Educateurs canins, refuges, vétérinaires: tout le monde a aboyé au loup.
Cette décision irait à l’encontre d’une mesure rendue nécessaire en 2008 – suite à des attaques de chiens dramatiques et très médiatisées – et qui le serait toujours. D’autant plus qu’une très large majorité de la population l’accepte très bien.
Outre le fait qu’elle met aux abois nombre d’éducateurs canins qui s’étaient spécialement formés pour pouvoir la dispenser, la disparition de cette formation obligatoire semble rouvrir quelques plaies induites par le débat houleux sur les chiens dangereux. Alors que c’est bien de l’acquisition de n’importe quel chien qu’il s’agit, les cantons conservant une réglementation spéciale pour les animaux listés comme dangereux, avec parfois jusqu’à septante heures de formation nécessaires.
Pour la Protection suisse des animaux, tout comme pour le Conseil fédéral et la minorité du Parlement, il aurait tout de même été sage de conserver l’obligation pour le premier chien acquis. Avec l’idée que, dans ce cas, son utilité, bien que non chiffrable, s’avérait bien réelle.
«Ces quatre heures ne jouaient aucun rôle dissuasif»
Les cours obligatoires pour la détention d’un nouveau chien semblaient une mesure utile. Les regretterez-vous?
Non, pas du tout. Comme l’expérience l’a démontré, ces cours obligatoires ne constituaient pas un moyen valable pour solutionner des problèmes liés à la détention des chiens.
L’un des arguments du Conseil national pour expliquer son vote était les problèmes administratifs que cette mesure engendrait. Le comprenez-vous?
Oui, d’autant plus qu’un détenteur de chien sur cinq n’avait finalement pas respecté cette obligation et pas suivi de cours obligatoire. Fort de ce constat, le Parlement devait alors choisir entre abandonner une mesure inefficace et partiellement non respectée ou conserver cette législation et mettre en place des moyens de vérification et de contrôle.
C’est surtout la Chambre basse qui a argumenté sur l’absence d’efficacité chiffrée de ces cours par rapport au nombre de morsures. Cela vous paraît-il correct?
Cela peut paraître étrange à certains, mais oui, c’est correct et prouvé.
Pour la Protection suisse des animaux, ces cours ont-ils contribué à baisser le nombre de blessures profondes, comme l’expliquait dans le Sonntagsblick le vétérinaire cantonal bâlois?
Non. Rien ne l’indique. Et j’ignore d’où le vétérinaire cantonal bâlois tient cette estimation.
Ces cours ne revêtaient-ils pas d’autres intérêts pour une personne désireuse d’acquérir un chien?
Pour une personne qui envisage d’acquérir un chien pour la première fois, un cours reste sans doute bénéfique tant pour le futur détenteur que pour son chien. Parce que la personne ne bénéficie encore d’aucune expérience. C’est justement la raison pour laquelle la Protection suisse des animaux avait proposé de maintenir le cours obligatoire, mais de l’abolir lors de chaque acquisition du chien suivant.
Du coup, l’importance de ce critère ne vous paraît-elle pas prédominante?
D’expérience, le pourcentage des propriétaires d’un premier chien qui s’investissent dans une formation de longue durée est élevé.
Pensez-vous qu’une majorité va s’inscrire au cours malgré la disparition de l’obligation?
Pas la majorité, mais je pense qu’un certain nombre de détenteurs de chien suivront volontairement des cours, que ce soit comme passe-temps ou pour se consacrer au sport cynologique.
Finalement, quelles conséquences cette suppression prévue dans deux ans va-t-elle avoir sur les législations cantonales?
Aucune. Les lois cantonales prévoient toute une gamme d’instruments pour lutter contre des chiens potentiellement dangereux et des détenteurs irresponsables. Les vétérinaires cantonaux ont aussi, par exemple, la possibilité d’ordonner à un détenteur de chien de suivre des cours.
Ces cours ne jouaient-ils pas un rôle dissuasif face au désir impulsif ou irréfléchi de prendre un chien?
Pas tant que les contrôles étaient quasi inexistants, comme c’est le cas encore aujourd’hui. Les personnes mal intentionnées, qui ne se préoccupent guère du sort de l’animal, n’étaient pas inquiétées. Et je ne pense pas que les autorités locales auraient les moyens d’instaurer un système de vérification efficace.
Pourquoi les écoles de dressage et les moniteurs se montrent-ils si féroces contre ce changement?
J’y vois avant tout le signe de préoccupations financières, ce qui est par ailleurs bien compréhensible.
Source de l’article : Migros Magazine, 03.10.2016, texte: Pierre Léderrey
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