En vogue chez les humains, les thérapies et médecines naturelles deviennent tendance auprès des propriétaires d’animaux domestiques. Parce que le bien-être de nos compagnons à quatre pattes, que l’on considère souvent comme des membres de la famille, n’a pas de prix.
À part les chiens, qui sont dûment pucés et enregistrés dans une banque de données (en 2016, leur population s’élevait en Suisse à 551 953 individus), nul ne connaît – pas même l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV)! – le nombre exact d’animaux de compagnie vivant en Suisse. En la matière, on doit donc se satisfaire d’estimations plus ou moins fiables. Ainsi, d’après la Société pour l’alimentation des animaux familiers (chiffres 2017), il y aurait dans notre pays environ 1,6 million de chats (seul un petit tiers d’entre eux est officiellement répertorié), 500 000 lapins et autres rongeurs, 240 000 oiseaux, 370 000 reptiles, 4,8 millions de poissons et 100 000 volailles d’ornement.
Selon l’étude menée par la société MoneyPark et le site alaCasa.ch, un tiers des ménages posséderait au moins un animal domestique. Animal qui est aujourd’hui le plus souvent considéré comme un membre à part entière de la famille, comme un alter ego en quelque sorte. Du coup, les Helvètes dépensent presque sans compter – près de 1,3 milliard de francs par an selon l’Office fédéral de la statistique (OFS) – pour leurs compagnons à poils, à plumes et à écailles.
Et 40% de cette somme astronomique, soit quelque 540 millions de francs, sont consacrés aux «frais vétérinaires et autres services». Le bien-être de Médor et Mistigri n’a pas de prix. Les propriétaires d’animaux n’hésitent d’ailleurs pas aujourd’hui à les faire bénéficier de traitements comme l’ostéopathie, l’acupuncture, l’homéopathie, la kinésiologie ou encore la massothérapie. Autant de soins naturels qui étaient autrefois réservés uniquement à l’homme…
Convaincu par les résultats
«Après avoir pratiqué pendant dix-huit ans la médecine vétérinaire classique, je me suis ouvert aux thérapies naturelles. Pourquoi? Parce que les traitements classiques ne donnaient pas satisfaction sur plusieurs pathologies, notamment sur les cas de claudications. J’ai donc commencé par faire une formation d’ostéopathie animale auprès de l’IMAOV (Institut des médecines alternatives et ostéopathie vétérinaire) en France. Et au vu des résultats positifs obtenus dans mes traitements, j’ai enchaîné avec les formations de phytothérapie, aromathérapie, acupuncture et suivi des ateliers de magnétisme.
Aujourd’hui, je fais un amalgame de toutes les méthodes apprises. J’examine les animaux avec les techniques diagnostiques de la médecine chinoise. Je leur fais sentir des huiles essentielles avec des propriétés calmantes s’ils sont stressés. Ensuite, je pose des aiguilles d’acupuncture aux points qui en ont besoin. Pendant que les aiguilles débloquent ces points, je fais des manipulations ostéopathiques et du magnétisme sur les muscles et articulations. À la fin de la séance, je prescris de la phytothérapie selon les cas. Quant aux résultats, je dirais qu’ils sont assez bons, surtout sur les animaux qui viennent régulièrement se faire soigner.»
Une méthode non invasive basée sur la détente
«Assistante vétérinaire et assistante médicale de formation, je trouvais qu’il manquait une approche globale, holistique pour les animaux dans notre pays. Comme je m’intéresse depuis longtemps aux médecines naturelles, je me suis formée en massothérapie canine et féline en Suisse et en France. J’ai un amour infini pour tous les animaux et, pour moi, il était normal de leur apporter les bienfaits de cette approche.
La massothérapie est une méthode non invasive, holistique. Elle détend l’animal, réduit les contractures musculaires, améliore la circulation sanguine et lymphatique ainsi que la flexibilité des articulations, redonne de l’amplitude aux membres, diminue les compensations, rééquilibre le corps. La massothérapie peut aussi maintenir le bon état général de l’animal. Je pratique la massothérapie le plus souvent sur des chiens âgés, avec de très bons résultats après quelques séances à domicile, mais aussi sur des chiens sportifs avant et après l’effort. Cette pratique peut également aider les animaux après une opération pour favoriser la cicatrisation et maintenir la musculature et la mobilité, cela en collaboration avec un vétérinaire.»
Guérir les bêtes en profondeur
«Je suis sensible au bien-être des animaux qui est, je pense, aujourd’hui étroitement lié à celui des humains. Cela vient peut-être du fait que j’ai grandi au milieu d’eux. Pour devenir homéopathe, j’ai fait une formation en cours d’emploi de trois ans dans une école en Suisse alémanique. En fait, j’avais envie de pouvoir vraiment guérir les animaux en profondeur, ce que ne font pas forcément les vétérinaires qui soignent souvent en priorité les signes de la maladie, sans arriver à éviter des rechutes, sans obtenir une guérison complète.
Les consultations ont lieu soit chez moi, soit à l’endroit où se trouve l’animal s’il est difficilement transportable. J’effectue un contrôle clinique pour essayer de détecter ce qui pourrait être anormal. De son côté, le propriétaire me parle du problème à traiter, des symptômes, il me raconte aussi le vécu de son animal ainsi que son passé médical (chocs émotionnels, accidents, maladies…). Autant d’éléments, d’informations qui m’aident à trouver le bon remède, celui qui correspond au terrain de l’animal. J’obtiens en général de bons résultats, même si cette méthode n’est pas toujours reconnue par les vétérinaires pour qui les soins restent une chasse gardée.»
« La frontière humain-animal tend à s’effacer »
Que vous inspire le fait que l’on use de thérapies naturelles, réservées autrefois aux seuls humains, pour soigner les animaux?
Il s’agit d’un prolongement assez logique du développement du rapprochement de l’humain avec les animaux de compagnie. Il y a les thérapies naturelles, mais aussi les soins spécialisés, par exemple dans le domaine du cancer, qui sont des choses dont nous ne parlions pas par le passé.
La frontière humain-animal s’efface…
Longtemps, nous avons pensé cette relation plutôt en termes hiérarchiques, l’humain étant forcément en position dominante par rapport aux animaux. Mais depuis le XIXe siècle, une tendance zoocentrique, une volonté de mettre les animaux sur le même plan que les humains a émergé. Du coup, la frontière humain-animal tend effectivement à s’effacer.
Pourquoi cette relation avec l’animal de compagnie a-t-elle évolué ainsi?
Au XIXe siècle, ça a répondu à une évolution des sensibilités avec l’idée que l’animal n’était plus seulement utilitaire pour l’humain. Il est désormais considéré comme un compagnon. Et notre relation avec l’animal s’est encore transformée avec toute cette réflexion nouvelle dans le rapport général de l’humain à son environnement. En particulier, cette reconnaissance de la place des animaux en tant que sujets moraux. Nous parlons aujourd’hui de la dignité des animaux, des droits des animaux…
L’animal tend-il à devenir l’égal de l’homme?
Pour certains types d’animaux, oui. Il y a ce mouvement de rapprochement avec les animaux et en même temps il y a toute cette ambivalence autour des maladies infectieuses qui transitent par les animaux, autour de ces chiens dangereux qui ont défrayé la chronique. La proximité est évidente, mais nous oublions que ça reste des animaux qui s’avèrent imprévisibles sous certains angles. Et cela rappelle bien que la frontière, elle, est indéniablement là.
Source de cet article : Migros Magazine (avril 2019)
Texte Alain Portner
Faire un commentaire